Dans tout le problème, pour tout couple $(p,q)\in\mathbb N^{*2}$ :
Soit $(M_n)_{n\in\mathbb N}$ une suite de matrices de ${\cal M}_{p,p}(\mathbb R)$. On pose pour tout $n\in\mathbb N$ : $M_n=(m_{i,j}(n))_{1\leq i\leq p,\ 1\leq j\leq q}$.
On dit que la suite $(M_n)_{n\in\mathbb N}$ converge vers la matrice $M=(m_{i,j})_{1\leq i\leq p,\ 1\leq j\leq q}$ de ${\cal M}_{p,q}(\mathbb R)$, si pour tout couple $(i,j)\in[\![1,p]\!]\times[\![1,q]\!]$, on a : $\lim_{n\to+\infty}m_{i,j}m_{i,j}(n)=m_{i,j}$. On note alors : $M=\lim_{n\to+\infty}M_n$.
On admet sans démonstration que si $(A_n)_{n\in\mathbb N}$ et $(B_n)_{n\in\mathbb N}$ sont deux suites de matrice de ${\cal M}_{p,q}(\mathbb R)$ qui convergent respectivement vers $A$ et $B$, et si $(C_n)_{n\in\mathbb N}$ est une suite de matrices de ${\cal M}_{q,s}(\mathbb R)$, alors la suite $(A_n+B_n)_{n\in\mathbb N}$ converge vers $A+B$, la suite $(A_nC_n)_{n\in\mathbb N}$ converge vers $AC$, et pour tout réel $\alpha$, la suite $(\alpha A_n)_{n\in\mathbb N}$ converge vers $\alpha A$.
Le problème étudie quelques aspects mathématiques du contrôle de systèmes linéaires.
Pour toute matrice $A$ de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$, on pose pour tout $x$ réel et pour tout $n\in\mathbb N$ : $T_{A,n}(x)=\sum_{k=0}^n\frac{1}{k!}(xA)^k$.
1. Exemple. Dans cette question, $A=(a_{i,j})_{1\leq i,j\leq p}$ est la matrice de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$ définie par : $$\forall (i,j)\in[\![1,p]\!]^2,\ a_{i,j}=1.$$
a) Justifier que la matrice $A$ est diagonalisable.
$A$ est symétrique donc diagonalisable.
b) Soit $V$ la matrice colonne de ${\cal M}_{p,1}(\mathbb R)$ dont tous les coefficients sont égaux à $1$. Calculer $AV$ et en déduire une valeur propre de $A$.
$AV=pV$ donc $p$ est valeur propre de $A$.
c) Montrer que $0$ est une valeur propre de $A$ et trouver la dimension du sous espace propre associé.
$Im(A)=Vect(V)$ donc par le théorème du rang $dim(Ker(A))=p-1>0$ donc $0$ est valeur propre et son espace propre associé est de dimension $p-1$.
d) Exprimer $A^2$ en fonction de $A$. Montrer que pour tout $x$ réel et pour tout $n\in\mathbb N$, $T_{A,n}(x)$ appartient à $Vect(I_p,A)$.
$A^2=pA$ donc à l'aide d'un récurrence on prouve que $\forall k\in\mathbb N^*,\ A^k=p^{k-1}A$. Il suit que $T_{A,n}(x)=I+\left(\sum_{k=1}^n\frac{x^kp^{k-1}}{k!}A\right)\in Vect(A,I)$.
e) En déduire que pour tout $x$ réel, la suite de matrices $(T_{A,n}(x))_{n\in\mathbb N}$ de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$ converge vers la matrice $T_A(x)$ de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$ définie par : $T_A(x)=I_p+\frac{e^{px}-1}{p}A$.
Il suffit d'utiliser le fait que $$\sum_{k=1}^{+\infty}\frac{x^kp^{k-1}}{k!}=\frac{1}{p}\sum_{k=1}^{+\infty}\frac{(xp)^k}{k!}=\frac{1}{p}(e^{xp}-1)$$ et d'utiliser la forule obtenue dans la réponse à la question d.
f) Calculer $T_A(0)$. Exprimer pour tout couple $(x,y)\in\mathbb R^2$, le produit $T_A(x)T_A(y)$ en fonction de $T_A(x+y)$. En déduire que pour tout $x$ réel, la matrice $T_A(x)$ est inversible et déterminer son inverse.
On a déjà $T_A(0)=I_p$. D'autre part en utilisant le fait que $A^2=pA$, on a $$\begin{align} T_A(x)T_A(y)&=\left(I_p+\frac{e^{px}-1}{p}A\right)\left(I_p+\frac{e^{py}-1}{p}A\right)\\ &=I_p+\frac{e^{px}+e^{py}-2}{p}A+\frac{(e^{px}-1)(e^{py}-1)}{p^2}pA\\ &=I_p+\frac{e^{p(x+y)}-1}{p}A\\ &=T_A(x+y) \end{align}$$ donc $T_A(x)T_A(y)=T_A(x+y)$. D'autre part $T_A(x)T_A(-x)=T_A(0)=I_p$ donc $T_A(x)$ est inversible d'inverse $T_A(-x)$.
2. Soit $A=(a_{i,j})_{1\leq i,j\leq p}$ une matrice de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$.
On pose pour tout $k\in\mathbb N$ : $A^k=(a_{i,j}^{(k)})_{1\leq i,j\leq p}$ et $\mu_k=\max_{(i,j)\in[\![1,p]\!]^2}|a_{i,j}^{(k)}|$.
a) A l'aide de l'identité $A^{k+1}=AA^k$, montrer que pour tout $k\in\mathbb N$, on a : $\mu_{k+1}\leq p^k\mu_1^{k+1}$.
On raisonne par récurrence. Pour $k=0$ c'est évident. Supposons le résultat vrai pour $k$ alors $$\begin{align} \mu_{k+2}&=\max_{i,j}|a_{i,j}^{(k+2)}|=\max_{i,j}\left|\sum_{l=1}^pa_{il}a_{lj}^{(k+1)}\right|\\ &\leq\max_{i,j}\sum_{l=1}^p|a_{il}||a_{lj}^{(k+1)}|\\ &\leq\mu_{k+1}\max_{i,j}\sum_{l=1}^p|a_{il}|\\ &\leq\mu_{k+1}\sum_{l=1}^p\mu_1=p\mu_{k+1}\mu_1\\ &\leq pp^{k}\mu_1^{k+1}\mu_1=p^{k+1}\mu_1^{k+2} \end{align}$$ d'où l'hérédité et la récurrence.
b) En déduire que pour tout $x$ réel, la série $\sum_{k\geq 0}\frac{\mu_k}{k!}x^k$ est convergente.
On a d'après la question précédente $$\left|\frac{\mu_kx^k}{k!}\right|\leq\mu_1\frac{(p|x|\mu_1)^k}{k!}$$ Or $\sum_{k\geq 0}\frac{(p|x|\mu_1)^k}{k!}$ est une série convergente. On conclut alors par comparaison de séries et le fait que la convergence absolue implique la convergence.
c) Montrer que pour tout réel $x$ et pour tout $(i,j)\in[\![1,p]\!]^2$, la série $\sum_{k\geq 0}\frac{a_{i,j}^{(k)}}{k!}x^k$ est convergente.
On a que $$\left|\frac{a_{i,j}^{(k)}}{k!}x^k\right|\leq\frac{\mu_k}{k!}|x^k|$$ or d'après la question précédente $\sum_{k\geq 0}\frac{\mu_k}{k!}|x|^k$ converge donc on conclut par comparaison et le fait que la convergence absolue implique la convergence.
d) Montrer que pour tout réel $x$, la suite $(T_{A,n}(x))_{n\in\mathbb N}$ de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$ converge vers une matrice $T_A(x)$ de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$. Que vaut $T_A(x)$ lorsque $p=1$ et que l'unique coefficient de $A$ est un réel $a$?
D'après c, les coefficients de $T_{A,n}(x)$ convergent donc $T_{a,n}(x)$ converge. D'autre part si $A=(a)$, on a $T_A(x)=e^{ax}$.
3. Soit $D$ une matrice diagonale de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$.
a) Vérifier que pour tout $x$ réel et pour tout $n\in\mathbb N$, la matrice $T_{D,n}(x)$ est diagonale.
Si on pose $$D=\begin{pmatrix}d_1 & & 0\\ & \ddots & \\ 0 & & d_p \end{pmatrix}$$ on a alors $$T_{D,n}(x)=\begin{pmatrix}\sum_{k=0}^n \frac{(xd_1)^k}{k!}& & 0\\ & \ddots & \\ 0 & & \sum_{k=0}^n\frac{(xd_p)^k}{k!} \end{pmatrix}$$ donc la matrice est diagonale.
b) En déduire que pour tout $x$ réel, la matrice $T_D(x)$ est diagonale et donner l'expression de ses coefficients diagonaux en fonction de ceux de $D$.
$$T_D(x)=\lim_{n\to+\infty}T_{D,n}(x)=\begin{pmatrix} e^{xd_1} & & 0\\ & \ddots & \\ 0 & & e^{xd_p} \end{pmatrix}$$
c) On pose pour tout $r\in\mathbb N^*$ : $D_r=r\left(T_D\left(\frac{1}{r}\right)-I_p\right)$. Montrer que la suite $(D_r)_{r\in\mathbb N^*}$ converge vers $D$.
$$D_r=\begin{pmatrix}r(e^{d_1/r}-1) & & 0\\ & \ddots & \\ 0 & & r(e^{d_1/r}-1) \end{pmatrix}$$ et lorsque $r$ tend vers l'infini $$r(e^{d_i/r}-1)=r\left(\frac{d_i}{r}+o\left(\frac{1}{r}\right)\right)=d_i+o(1)\to d_i$$ on a donc d'après le résultat de la question précédente $D_r\to D$.
4. Soit $A$ une matrice de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$, $P$ une matrice inversible de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$ et $A'=P^{-1}AP$.
a) Etablir pour tout $x$ réel, l'égalité : $T_{A'}(x)=P^{-1}T_A(x)P$.
Revenir à la définition de $T_{A'}$, utiliser le fait que $(A')^k=P^{-1}A^kP$ et exploiter à fond les résultats admis du préambule sur les limites de suite de matrices.
b) On suppose que $A$ est diagonalisable. Montrer que : $$\forall n\in\mathbb N,\lim_{r\to+\infty}r^{n+1}\left(T_A\left(\frac{1}{r}\right)-T_{A,n}\left(\frac{1}{r}\right)\right)=\frac{1}{(n+1)!}A^{n+1}.\ (\star)$$
(On pourra traiter dans un premier temps le cas où $A$ est diagonale)
On commence à traiter le cas diagonal. On observe d'abord à l'aide d'un développement limité que $$e^{d_i/r}=\sum_{k=0}^n\frac{1}{k!}\left(\frac{d_i}{r}\right)^k+\frac{1}{(k+1)!}\left(\frac{d_i}{r}\right)^{k+1}+o\left(\frac{1}{r^{n+1}}\right).$$ Par conséquent, on a que $$r^{n+1}\left(T_D\left(\frac{1}{r}\right)-T_{D,n}\left(\frac{1}{r}\right)\right)= \begin{pmatrix}\frac{d_1^{n+1}}{(k+1)!}+o(1) & & 0\\ & \ddots & \\ 0 & & \frac{d_p^{n+1}}{(k+1)!}+o(1) \end{pmatrix}$$ Donc en passant à la limite, on a $\lim_{r\to+\infty}r^{n+1}\left(T_D\left(\frac{1}{r}\right)-T_{D,n}\left(\frac{1}{r}\right)\right)=\frac{1}{(n+1)!}D^{n+1}$. Enfin lorsque $A$ est diagonalisable, on a $A=PDP^{-1}$, donc d'après la question précédente et les résultats admis du préambule, on a $$\begin{align} \lim_{r\to+\infty}r^{n+1}\left(T_A\left(\frac{1}{r}\right)-T_{A,n}\left(\frac{1}{r}\right)\right)&=P\left(\lim_{r\to+\infty}r^{n+1}\left(T_D\left(\frac{1}{r}\right)-T_{D,n}\left(\frac{1}{r}\right)\right)\right)P^{-1}\\ &=P\frac{1}{(n+1)!}D^{n+1}P^{-1}=\frac{1}{(n+1)!}A^{n+1} \end{align}$$ d'où le résultat.
On admet dans la suite du problème que la relation $(\star)$ reste valable pour toute matrice $A$ de ${\cal M}_{p}(\mathbb R)$.
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