Pour tout entier naturel $n$ non nul, on note :
Une matrice $W\in{\cal M}_n(\mathbb R)$ est dite nilpotente s'il existe $q\in\mathbb N^*$ tel que $W^q=0_n$.
On admettra que si $U,V$ sont deux matrices de ${\cal M}_n(\mathbb R)$ qui commutent alors :
1. Deux résultats préliminaires.
(a) Soit $U\in{\cal M}_n(\mathbb R)$ et $q\in\mathbb N^*$ tel que $U^q=0_n$. Prouver que $I_n-U$ est inversible et que $(I_n-U)^{-1}=\sum_{k=0}^{q-1}U^k$.
En utilisant le fait que $U^q=0$ on a que : $$(I_n-U)\sum_{k=0}^{q-1}U^k=\sum_{k=0}^{q-1}U^k-\sum_{k=1}^{q}U^k=I_n-U^q=I_n$$ donc $\sum_{k=0}^{q-1}U^k$ est bien l'inverse de $I_n-U$.
(b) Soit $A\in{\cal M}_n(\mathbb R)$ telle que $A(A-I_n)=0_n$. On désigne par $f$ l'endomorphisme de $\mathbb R^n$ dont la matrice dans la base canonique de $\mathbb R^n$ est $A$.
Soit $x\in\mathbb R^n$. Vérifier que $x-f(x)\in Ker(f)$ et $f(x)\in Ker(f-Id)$ puis établir que $\mathbb R^n=Ker(f)\oplus Ker(f-Id)$. L'endomorphisme $f$ est-il diagonalisable?
On rappelle que l'égalité matricielle $A(A-I_n)$ se traduit par $fo(f-Id)=0$. Par conséquent $f(x-f(x))=-f(f(x)-x)=-fo(f-Id)(x)=0$ et donc $x-f(x)\in Ker(f)$, de même $(f-Id)(f(x))=fof(x)-f(x)=fo(f-Id)(x)=0$ donc $f(x)\in Ker(f-Id)$.
Pour la somme directe, on observe déjà que pour tout $x\in\mathbb R^n$, $x=(x-f(x))+f(x)\in Ker(f)+Ker(f-Id)$ d'après ce qui précède, donc $\mathbb R^n=Ker(f)+Ker(f-Id)$. D'autre part si $x\in Ker(f)\cap Ker(f-Id)$, $f(x)=0$ et $f(x)-x=0$ donc $x=f(x)=0$. Il suit que $Ker(f)\cap Ker(f-Id)=\{0\}$ et donc la somme est directe.
2. Etude d'une suite de matrices.
Soient $B\in{\cal M}_n(\mathbb R)$ et $N\in\mathbb N^*$ tels que : $$(B(B-I_n))^N=0_n.$$ On introduit la suite $(B_k)_{k\in\mathbb N}$ de matrices de ${\cal M}_n(\mathbb R)$ définie par : $$B_0=B\in{\cal M}_n(\mathbb R)\text{ et }\forall k\in\mathbb N,B_{k+1}=(B_k)^2(2B_k-I_n)^{-1}.$$ On considère pour tout entier $k\geq 0$ la proposition $$\begin{align*} &({\cal H}_k):"2B_k-I_n\text{ est inversible, il existe }C_k,D_k\in{\cal M}_n(\mathbb R)\text{ tels que }\\ &B_k-B=[B(B-I_n)]C_k\text{ et }B_k(B_k-I_n)=[B(B-I_n)]^{2^k}D_k\\ &\text{ avec }B_kB=BB_k,C_kB=BC_k\text{ et }D_kB=BD_k"\end{align*}$$
(a) Justifier que $I_n-(2B-I_n)^2$ est nilpotente et que $2B-I_n$ est inversible. En déduire que la propriété $({\cal H}_0)$ est vraie.
En développant, on montre facilement que $$I_n-(2B-I_n)^2=-4B(B-I_n)$$ mais par hypothèse $B(B-I_n)$ donc $I_n-(2B-I_n)^2$ également. Maintenant comme cette matrice est nilpotente, il existe un entier naturel $p$ tel que $(I_n-(2B-I_n)^2)^p=0$. Comme toutes ces matrices commutent, on peut développer avec la formule du binôme de Newton $$0=(I_n-(2B-I_n)^2)^p=\sum_{k=0}^p(-1)^k(2B-I_n)^{2k}=I_n+\sum_{k=1}^p(-1)^k(2B-I_n)^{2k}$$ et donc que $$(2B-I_n)(-\sum_{k=1}^p(-1)^k(2B-I_n)^{2k-1})=I_n$$ d'où l'inversibilité de $2B-I_n$.
Pour $({\cal H_0})$, on observe que $2B_0-I_n=2B-I_n$ est inversible et que l'existence de $C_0$ et $D_0$ est garantie en posant $C_0=0$ et $D_0=I_n$.
(b) On suppose la propriété $({\cal H}_k)$ vraie pour un entier $k\geq 0$. Montrer que : $$\begin{align*} 2B_{k+1}-I_n &= [I_n+2B_k(B_k-I_n)]\times[2B_k-I_n]^{-1}\\ B_{k+1}-B &= [(B_k-B)^2-(B^2-B)]\times[2B_k-I_n]^{-1}\\ B_{k+1}(B_{k+1}-I_n)&=[B_k(B_k-I_n)(2B_k-I)^{-1}]^2 \end{align*}$$
Il suffit de remplacer $B_{k+1}$ par $B_k^2(2B_k-I_n)^{-1}$ et de factoriser convenablement. Pour la factorisation, il pourra être utile de penser au fait que $I_n=(2B_k-I_n)(2B_k-I_n)^{-1}$.
En déduire que la propriété $({\cal H}_{k+1})$ est vraie.
En remplaçant dans la deuxième et la troisième égalité les expressions connues de $({\cal H}_k)$, on montre facilement l'existence de $C_{k+1}$ et $D_{k+1}$ en fonction de $C_k$ et $D_k$. Les propriétés de commutativité se justifient à l'aide du préambule. Par contre l'inversibilité de $2B_{k+1}-I_n$ demande un peu plus d'effort. D'après $({\cal H}_k)$ on sait que $B_k(B_k-I_n)=[B(B-I_n)]^{2^k}D_k$, mais comme $B(B-I_n)$ est nilpotente, c'est aussi le cas de $B_k(B_k-I_n)$ par commutativité de toutes ces matrices. Donc d'après 1.(a) on en déduit que $I_n+2B_k(2B_k-I_n)$ est inversible, et comme $2B_k-I_n$ est de fait inversible, on a que $2B_{k+1}-I_n=[I_n+2B_k(B_k-I_n)]\times[2B_k-I_n]^{-1}$ est inversible, ce qu'on voulait démontrer.
(c) Prouver l'existence d'un entier $p$ tel que : $B_p(B_p-I_n)=0_n$. Etablir que la matrice $B_p$ est diagonalisable, que la matrice $B-B_p$ est nilpotente et que : $\forall k\geq p,B_{k+1}=B_k$.
D'après 2.(a) et 2.(b), on a démontré l'hérédité et l'initialisation de la preuve par récurrence de $({\cal H}_k)$. Donc $({\cal H}_k)$ est vraie pour tout $k\in\mathbb N$. Comme $B(B-I_n)$ est nilpotente, il existe $p$ tel que $(B(B-I_n))^{2^p}=0$ donc par $({\cal H}_p)$, $B_p(B_p-I_n)=0$ ce qui prouve le premier point.
Maintenant d'après la question 1.(b) un endomorphisme $f$ associé à $B_p$ vérifie $\mathbb R^n=Ker(f)\oplus Ker(f-Id)$, c'est à dire que les sous espaces propres de $f$ (de valeurs propres $0$ et $1$) sont supplémentaires donc $f$ est diagonalisable et $B_p$ aussi.
Toujours d'après $({\cal H}_p)$ $B-B_p=-[B(B-I_n)]C_p$ mais comme toutes les matrices commutent et que $B(B-I_n)$ est nilpotente $B-B_p$ est donc nilpotente.
En utilisant la relation établie en 2.(b) qui dit que $B_{k+1}(B_{k+1}-I_n)=[B_k(B_k-I_n)(2B_k-I_n)^{-1}]$, et en utilisant la comutativité et le fait que $B_p(B_p-I_n)$, on montre facilement par récurrence que $B_k(B_k-I_n)=0$ pour $k\geq p$. En revenant à la définition de la suite $B_k$, on a pour $k\geq p$ $$B_{k+1}-B_k=B_k^2(2B_k-I_n)-B_k=-B_k(B_k-I_n)(2B_k-I_n)^{-1}=0$$ et donc la suite est constante pour $k\geq p$.
Pour afficher le fil des commentaires : Commentaires.
Pour poster un commentaire ou obtenir de l'aide : c'est ici!
L'insertion de formules suit la syntaxe LATEX. Toute formule doit être encadrée par des dollars : $\bf{\$formule\$}$. Par exemple $\bf{\$ u\_n \$}$ sera interprétée comme une formule et donnera $\bf{u_n}$. Voici quelques exemples pour ceux qui ne sont pas habitués :
Contacter l'auteur du site : frederic.millet @ math-sup.fr