Soit $E$ un espace vectoriel de dimension $p$ sur $\mathbb C$, ${\cal L}(E)$ l'espace vectoriel des endomorphisme de $E$ et $\varphi$ un élément de ${\cal L}(E)$. On note $id_E$ l'endomorphisme identité de $E$.
5.a) Rappeler la dimension de ${\cal L}(E)$ et justifier l'existence d'une suite finie $(z_k)_{1\leq k\leq p^2}$ de nombres complexes tels que le polynôme $\Pi_{k+1}^{p^2}(X-z_k)$ de $\mathbb C[X]$ soit un polynôme annulateur de $\varphi$.
On a $dim({\cal L}(E))=p^2$. On observe que la famille $\{id_E,\varphi,\varphi^2,\dots,\varphi^{p^2}\}$ est composée de $p^2+1$ éléments donc est liée. Par conséquent il existe $\lambda_0,\dots,\lambda_{p^2}\in\mathbb C$ non tous nuls tels que $$\lambda_0id_E+\dots+\lambda_{p^2}\varphi^{p^2}=0$$ Le polynôme $Q(X)=\lambda_0+\dots+\lambda_{p^2}X^{p^2}$ est donc annulateur et non nul de $\varphi$ avec $deg(P)\leq p^2$ (certains lambda peuvent être nuls!). Si jamais $deg(Q)<\! p^2$, on peut toujours multiplier $Q$ par un autre polynôme pour en faire un polynôme de degré $p^2$, le polynôme ainsi obtenu est encore annulateur. Enfin on divise ce dernier polynôme par son coefficient dominant pour en faire un polynôme unitaire. Notons $P$ le polynôme unitaire, annulateur de degré $p^2$ ainsi obtenu. Grâce au théorème fondamental de l'algèbre, on peut décomposer ce polynôme dans $\mathbb C$ en $P(X)=\Pi_{k+1}^{p^2}(X-z_k)$, d'où le résultat.
b) En considérant, pour tout $k\in[\![1,p]\!]$, les endomorphimes $(\varphi-z_k id_E)$, montrer que $\varphi$ possède au moins une valeur propre.
Supposons par l'absurde que $\varphi$ n'a aucune valeur propre, en particulier $\forall k\in[\![1,p]\!],\ Ker(\varphi-\lambda_kid_E)=\{0\}$. Considérons alors $v$ un vecteur non nul de $E$, comme $\Pi_{k+1}^{p^2}(X-z_k)$ est annulateur de $\varphi$, on a que $$(\varphi-\lambda_1 id_E)o(\varphi-\lambda_2 id_E)o\dots o(\varphi-\lambda_{p^2} id_E)(v)=0,$$ mais comme $Ker(\varphi-\lambda_1id_E)=\{0\}$, on a $$(\varphi-\lambda_2 id_E)o\dots o(\varphi-\lambda_{p^2} id_E)(v)=0,$$ mais comme $Ker(\varphi-\lambda_2id_E)=\{0\}$, on a $$(\varphi-\lambda_3 id_E)o\dots o(\varphi-\lambda_{p^2} id_E)(v)=0,$$ et ainsi de suite. A la fin de l'itération, on arrive alors à montrer que $v=0$ ce qui contredit le fait que $v$ a été choisi non nul, d'où la contradiction et le résultat.
6. On suppose l'existence d'un entier $k$ vérifiant $1\leq k\leq p$ et d'un sous espace vectoriel $F$ de dimension $k$ stable par $\varphi$. Soit $H$ un supplémentaire de $F$ dans $E$ et $\pi$ le projecteur de $E$ sur $H$ parallèlement à $F$.
a) Montrer qu'il existe un vecteur non nul $v\in H$ et un nombre complexe $\lambda$ vérifiant la relation : $\pi o\varphi(v)=\lambda v$.
Si on considère $\pi o\varphi|_H$ la restriction de $\pi o\varphi$ à $H$, on observe que c'est un endomorphisme de $H$. Par conséquent, grace à 5.b., on peut affirmer que $\pi o\varphi|_H$ a un vecteur propre dans $H$ et par conséquent $\pi o\varphi$ aussi.
b) Montrer que la somme des deux sous espaces vectoriels $F$ et $Vect(u)$ est directe et stable par $\varphi$.
Pour le caractère supplémentaire : soit $u\in F\cap Vect(v)$ alors $u\in F$ et $u=\mu v$ avec $\mu\in \mathbb C$. Mais $v\in H$ donc $v\in F\cap H$. Or $F$ et $H$ sont supplémentaires donc $F\cap H=\{0\}$ et donc $v=0$. Il suit donc que $F$ et $Vect(u)$ sont en somme directe.
Pour la stabilité : puisque $\pi o\varphi(v)=\lambda v$ on en déduit que $\varphi(v)=w_F+\lambda v$ où $w_F\in F$. Si maintenant $u\in F\oplus Vect(v)$, alors $u=u_F+\mu v$ avec $u_F\in F$ et $\mu\in\mathbb C$. De plus on a $$\varphi(u)=\varphi(u_F)+\mu\varphi(v)=(\varphi(u_F)+\mu w)+(\lambda\mu v)$$ Or comme $F$ est stable par $\varphi$, $\varphi(u_F)\in F$ et donc $\varphi(u_F)+\mu w\in F$ et donc $\varphi(u)\in F\oplus Vect(u)$. D'où la stabilité.
7. A l'aide des questions précédentes, établir par récurrence sur $p$ l'existence d'une base ${\cal B}=\{v_1,\dots,v_p\}$ de $E$ telle que pour tout $k\in[\![1,p]\!],\ \varphi(v_k)\in Vect(v_1,\dots,v_k)$.
On introduit la propriété suivante pour $k\in\{1,\dots,p\}$ : $${\cal P}_k\ :\ \exists(v_1,\dots,v_k)\text{ libre tel que }\forall i\in\{1,\dots,k\},\varphi(v_i)\in Vect(v_1,\dots,v_i).$$ D'après 5.b. $\varphi$ admet un vecteur propre donc ${\cal P}_1$ est vraie, d'où l'hérédité. Supposons maintenant ${\cal P}_k$ vraie pour $k<\! p$. D'après 6.b. il existe $v_{k+1}\in E$ tel que $Vect(v_{k+1})$ et $Vect(v_1,\dots,v_k)$ sont en somme directe et $Vect(v_{k+1})\oplus Vect(v_1,\dots,v_k)$ est stable par $\varphi$. Comme les deux espaces sont en somme directe, $(v_1,\dots,v_k,v_{k+1})$ est libre, d'autre part comme $Vect(v_{k+1})\oplus Vect(v_1,\dots,v_k)$ est stable par $\varphi$ alors $\varphi(v_{k+1})\in Vect(v_1,\dots,v_{k+1})$. Par conséquent ${\cal P}_{k+1}$ est vraie et l'hérédité est prouvée. Par récurrence finie, on en déduit que ${\cal P}_p$ est vraie. On a donc construit une famille libre constituée de $p$ vecteurs vérifiant les conditions demandées, mais comme $E$ est de dimension $p$, cette famille libre est aussi une base et le résultat est prouvé.
8. Soit $M=(m_{i,j})_{1\leq i,j\leq p}$ la matrice de $\varphi$ dans la base ${\cal B}$. On pose pour tout $k\in[\![1,p]\!]$ : $F_k=Vect(v_1,\dots,v_k)$.
a) Montrer que pour tout $k\in[\![2,p]\!]$, on a : $(\varphi-m_{k,k}id_E)(F_k)\subset F_{k-1}$.
D'après 7., $\varphi(v_k)\in Vect(v_1,\dots,v_p)$, onc la matrice $M$ a la forme triangulaire supérieure suivante : $$M=\begin{pmatrix} m_{11} & \dots & m_{1k} & \dots & m_{1p}\\ 0 & \ddots & & & \vdots\\ \vdots & \ddots & m_{kk} & & m_{kp}\\ & & \ddots & \ddots & \vdots &\\ 0 & \dots & \dots & 0 & m_{pp} \end{pmatrix}$$ Il suit que la matrice de $\varphi-m_{kk}id_E$ dans la base $\cal B$ a pour forme $$M-m_{kk}I=\begin{pmatrix} m_{11}-1 & \dots & m_{1k} & \dots & m_{1p}\\ 0 & \ddots & & & \vdots\\ \vdots & \ddots & 0 & & m_{kp}\\ & & \ddots & \ddots & \vdots &\\ 0 & \dots & \dots & 0 & m_{pp}-1 \end{pmatrix}$$ De plus un élément quelconque de $F_k$ a pour représentation matricielle dans $\cal B$ une matrice de la forme $$X=\begin{pmatrix}\lambda_1\\ \vdots\\ \lambda_k\\ 0\\ \vdots\\ 0 \end{pmatrix}$$ Si on applique une telle matrice à $M-m_{kk}I$, on obtient une matrice de la forme : $$(M-m_{kk}I)X=\begin{pmatrix}\mu_1\\ \vdots\\ \mu_{k-1}\\ 0\\ \vdots\\ 0 \end{pmatrix}$$ qui est une matrice représentant un vecteur de $F_{k-1}$ ce qui prouve le résultat.
b) En déduire que le polynôme $\Pi_{k=1}^p(X-m_{k,k})$ de $\mathbb C[X]$ est un polynôme annulateur de la matrice $M$.
D'après la question précédente, on a $(\varphi-m_{pp}id_E)(F_p)\subset F_{p-1}$ et donc $(\varphi-m_{(p-1)(p-1)}id_E)o(\varphi-m_{pp}id_E)(F_p)\subset F_{p-2}$ et en itérant $(\varphi-m_{11}id_E)o\dots o(\varphi-m_{pp}id_E)(F_p)=\{0\}$. Mais comme $F_p=E$, on en déduit que $(\varphi-m_{11}id_E)o\dots o(\varphi-m_{pp}id_E)(E)=\{0\}$ autrement dit $(\varphi-m_{11}id_E)o\dots o(\varphi-m_{pp}id_E)=0$, donc le polynôme est annulateur de $\varphi$ donc de $M$.
9. Soit $A$ une matrice de ${\cal M}_p(\mathbb R)$. En utilisant la question 8.b, montrer que $A$ admet un polynôme annulateur appartenant à $\mathbb R[X]$ et de degré $p$.
D'après 8.b, $A$ admet un polynôme annulateur (non nul) de degrés $p$ dans $\mathbb C[X]$. Notons $P$ ce polynôme annulateur, on peut aussi l'écrire $P=R+iC$ où $R,C\in\mathbb R[X]$ et $deg(R)\leq p$ et $deg(C)\leq p$ et l'un d'entre eux est non nul. Puisque $A$ est une matrice réelle, le fait que $0=P(A)=R(A)+iC(A)$ implique que $R(A)=C(A)=0$. $R$ et $C$ sont donc annulateurs de $A$ avec l'un d'entre eux non nul. Prenons l'un de ces deux non nul, puisque le degré est inférieur ou égal à $p$, quitte à le multiplier par un autre polynôme, on peut alors construire un polynôme qui soit de degrés $p$ et annulateur de $A$.
10. Soit $A$ une matrice de ${\cal M}_p(\mathbb R)$ et $B$ une matrice colonne de ${\cal M}_{p,1}(\mathbb R)$. Pour tout $q\in\mathbb N^*$, on note ${\cal G}_q$ le sous espace vectoriel de ${\cal M}_{p,1}(\mathbb R)$ engendré par $B,AB,A^2B,\dots,A^{q-1}B$ et $K_q$ la matrice de ${\cal M}_{p,q}(\mathbb R)$ dont les colonnes successives sont $B,AB,A^2B,\dots,A^{q-1}B$.
La matrice $K_q$ est appelée matrice de Kalman d'ordre $q$ associée au couple $(A,B)$.
a) Montrer que pour tout entier $q>p$, on a : ${\cal G}_q={\cal G}_p$.
Comme $A$ admet un polynôme annulateur réel de degré $p$, on peut trouver des réels $a_i$ tels que $$A^p+a_{p-1}A^{p-1}+\dots+a_1A+a_0I=0$$ En multipliant cette dernière équation à gauche par $A^i$, $i\in\mathbb N$ et à droite par $B$, on en déduit que $$A^{p+i}B+a_{p-1}A^{p-1+i}B+\dots+a_1A^iB+a_0B=0$$ soit encore $$A^{p+i}B=-a_{p-1}A^{p-1+i}B-\dots-a_1A^iB-a_0B$$ Il suit que pour $i\in\mathbb N$, $A^{p+i}B$ est combinaison linéaire de $B,AB,\dots,A^{p-1}B$. Par conséquent pour $q>p$ on a que $${\cal G}_q=Vect\{B,AB,\dots,A^{p-1}B,\dots,A^{q-1}B\}=Vect\{B,AB,\dots,A^{p-1}B\}={\cal G}_p$$
b) Justifier l'existence d'un sous espace vectoriel ${\cal S}$ de ${\cal M}_{p,1}(\mathbb R)$ vérifiant la propriété suivante : pour qu'une matrice $G$ de ${\cal M}_{p,1}(\mathbb R)$ appartienne à ${\cal G}_p$, il faut et il suffit que pour tout élément $S$ de ${\cal S}$, on ait : $^t\!SG=0$.
On introduit le produit scalaire sur ${\cal M}_{p,1}(\mathbb R)$ définit par $$\forall X,Y\in {\cal M}_{p,1}(\mathbb R),\langle X,Y\rangle=\!^tXY$$ L'espace ainsi recherché est ${\cal S}=\left({\cal M}_{p,1}(\mathbb R)\right)^\bot$.
c) En déduire que si une suite $(G_n)_{n\in\mathbb N}$ de matrices de ${\cal G}_p$ est convergente, sa limite $G$ appartient à ${\cal G}_p$.
On observe d'abord que $$G\in{\cal G}_p\Longleftrightarrow \forall S\in{\cal S},\!^tSG=0.$$ De plus $G_n\in{\cal G}_p$ donc $\forall S\in{\cal S},\!^tSG_n=0$ et aussi $$\!^tSG=\lim_{n\to+\infty}\!^tSG_n=0.$$ Par conséquent on a que $G\in{\cal G}_p$.
d) A l'aide des résultats précédents, montrer que pour tout $x$ réel, la matrice colonne $T_A(x)B$ appartient à ${\cal G}_p$, où $T_A(x)$ a été définie dans la question 2.d.
D'abord $T_{A,n}(x)B\in{\cal G}_n$ donc d'après 10.a) pour $n>p$, $T_{A,n}(x)B\in{\cal G}_p$ et d'après 10.c) en passant à la limite en $n$, $T_A(x)\in{\cal G}_p$.
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